Becka et Louis
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Généralisation

 

Ange ou démon ?

Dressage sur Colins de Virginie
Il y a très longtemps, alors que je commençais à chasser avec un chien d’arrêt, un copain et moi avons entrepris de dresser nos Braques allemands à poil court, en utilisant des Colins de Virginie en cage de rappel (voir mon article Les oiseaux d’élevage et les chiens de chasse pour plus d’information sur cette technique : http://www.louiscimon.com/Chiens/articles/oiseaux.pdf).

Au début, les chiens collaboraient très peu, mais plus l’été avançait, plus les chiens collaboraient. De peine et de misère, nous avions obtenu de bons arrêts, une certaine immobilité à l’envol, etc. Pour une raison que j’ignore, lors d’une session de dressage à la fin août, les oiseaux, plutôt que de décoller vers le bois comme à l’habitude, décollèrent vers la route, la traversèrent pour aller se poser dans un champ semblable à celui où nous étions. Un coup d’œil complice à mon copain « Est-ce qu’on traverse ? ». 

Une fois la route traversée, nous avons relâché nos chiens : bordel total ! Nos chiens n’avaient plus d’oreilles, aucune collaboration, retour à la case départ. Que s’était-il passé ?

Pourtant, il le sait !
Mes deux derniers chiens obéissent à certains commandements avec tant de vitesse que ça fait boum lorsqu’ils se couchent. Si, plutôt que de me tenir debout comme à l’habitude, je m’assois ou je me couche sur le dos lorsque je dis « couché » ou que je fais le geste qui y est associé… plus rien, pas de son pas d’image, comme si, subitement, le chien ne savait plus ce que « couché » veut dire. Le même phénomène risque de se produire lorsque je donnerai des commandements verbaux ou gestuels à mon chien, alors que je serai assis dans une cache ou une chaloupe. Pourquoi ?

Généralisation
Une des principales explications réside dans le fait que les chiens ont une très faible capacité de généralisation. Nous, les humains, tout au contraire, nous avons une très grande facilité à généraliser, à conceptualiser, à nommer les choses et les situations. Sans en être conscients, nous supposons à tort que les chiens ont aussi cette facilité.

Pour le chien, le commandement assis, ne consiste pas seulement dans le mot « assis ». En fait, souvent le mot « assis » veut dire « assis » seulement si on est debout, qu’on est immobile, on regarde le chien qui n’est pas en mouvement. Donc, si on souhaite que ce soit le mot « assis » qui déclenche le comportement, il faut lui montrer que seulement ce mot est suffisant pour qu’il doive s’asseoir. Il faut donc le lui apprendre dans une diversité de contexte, par exemple, lorsqu’il est en marche, lorsqu’il court, lorsqu’il s’éloigne de nous, lorsqu’il est debout, lorsqu’il est couché, lorsqu’il ne nous voit pas, lorsqu’on est assis, couché, hors de vue, bref dans une multitude de situations. À la longue, le chien généralisera, il comprendra que le mot « assis » est universel, qu’il ne dépend pas de la situation, du contexte, d’un geste, d’une séquence.

Un autre écueil des commandements verbaux : on ne les produit pas toujours de la même façon, on change le ton, le débit,  l’accent tonique, etc.

Prosodie et ordre verbal
Une des grandes difficultés qu’ont habituellement les chiens, c’est de comprendre nos mots. Ils ont beaucoup de facilité à comprendre nos gestes, notre communication non verbale, mais si cette communication non verbale n‘est plus accessible au chien, il est probable que les mots qui y étaient associés perdent leur sens. Pour un chien, « AAAAAsi »  est très différent de « assiii ». Nous en sommes peu conscients, mais la prosodie, c’est-à-dire la multitude des caractéristiques d’un mot ou d’une phrase, rend ce mot ou cette phrase incompréhensible pour le chien. Le chien écoute plein d’autres choses que le mot ou la phrase, par exemple, l’accent tonique, le niveau sonore, la vitesse du débit. Est-ce le « A » de « assis » qu’il retient ? Ou est-ce le « i » ? Il faut donc exposer nos chiens aux différentes façons qu’on a d’exprimer un ordre donné ou, donner cet ordre de la même façon d’une fois à l’autre.

 

Habituation
La généralisation est liée à un autre phénomène : l’habituation.

Si, à l’ouverture de la chasse, un chien n’est jamais monté dans une embarcation d’aluminium, n’a jamais vu d’appelants d’oies blanches, n’a jamais nagé dans un étang plein d’algues, etc., il est probable que son comportement ne sera pas à la hauteur. Il n’est pas habitué à ces objets, ces situations.

Il faut exposer nos chiens aux diverses situations et aux divers objets pour qu’ils s’y habituent, sans quoi, ils sont souvent incapables de produire le comportement demandé : la distraction, l’élément nouveauté, l’étrangeté sont trop forts. Il faut exposer nos chiens graduellement à ces diverses facettes en changeant un seul aspect à la fois, par exemple :

 

Plusieurs de ces éléments proviennent du cours en ligne de Cassia Turcotte Gun Dog Foundations (http://www.fenzidogsportsacademy.com/index.php/courses/7054). Elle détaille beaucoup plus. Elle traite de stimuli visuels, auditifs, tactiles et olfactifs.

Utilité de la faible capacité de généralisation des chiens
Il est vrai que la faible capacité de généralisation des chiens cause certains problèmes et nécessite plus de travail, mais elle peut aussi être utile. C’est cette faible capacité de généralisation qui fait qu’il est très facile de montrer à nos chiens à chasser seulement certains oiseaux et de ne pas s’occuper des autres.

Les gens qui dressent des chiens à la détection d’odeurs (ex : les chiens détecteurs de drogues ou d’explosifs) ne commencent pas leur dressage en faisant travailler leurs chiens sur les odeurs cibles, ils utilisent plutôt l’odeur d’une balle (ex : en faisant travailler le chien à rechercher de minuscules morceaux de balle). Ainsi, il est moins probable qu’une mauvaise expérience en cours de dressage soit associée à l’odeur sur laquelle on le destine à travailler.

Avec nos chiens de chasse, nous avons avantage nous aussi à ne pas utiliser l’objet final (préférer un apportable à un oiseau; préférer un pigeon à une gélinotte ou à une bécasse, car si on commet une erreur de dressage lorsqu’on travaille avec l’objet final, ce sera plus difficile à récupérer).

Louis Cimon